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Ce billet essaie d'aborder à la question suivante:  pour une collectivité (autorité de mobilité) ou pour une entreprise privée (opérateur de transport ou numérique) qui veut mettre en place un service MaaS, est-ce pertinent de s'appuyer sur de l'open source, à quelles conditions, pour quoi faire ?

Le MaaS est un système d'information

Quand on parle de MaaS, on parle souvent du service numérique final à l'usager qui lui permet de se déplacer dans un territoire uniquement avec son smartphone. Mais le MaaS c'est aussi le système d'information qui rend possible ce service final : des données et des logiciels (application mobile et applications pour les agents des opérateurs et collectivités partenaires, services et API en back-office, outils d'analyse).

Le MaaS c'est aussi du logiciel

Du point de vue de l'acteur public (collectivité AOM) ou privé (opérateur de mobilité ou service numérique) qui veut faire un MaaS,  la 1ère question à se poser déjà est "pourquoi faire du logiciel"? Après tout, un garagiste n'a pas besoin de savoir que sa compta en SaaS s'appuie sur du code source, il utilise un service.

Dans le cas du MaaS, on pourrait imaginer que le rôle de la collectivité ou de l'opérateur du MaaS soit de gérer les données qui alimentent le service et donc les logiciels (et la relation à l'usager, bien sûr;-), sans avoir à développer de nouveaux logiciels. Néanmoins comme le MaaS est encore assez nouveau, il y a moins de solutions SaaS clés en main que pour la compta, donc a priori il peut y avoir besoin de logiciel spécifique, tout dépend du service qu'on veut construire.

Pour un opérateur privé, son service doit se différencier de la concurrence, donc il doit être donc spécifique et maîtriser le logiciel qui fait tourner le service est stratégique (ex. moovit ou mappy).

Pour une grande collectivité, si il y a des services de mobilité spécifiques ou besoins particuliers à intégrer sur le territoire, alors il faudra des développements logiciels. La collectivité fera appel à des entreprises comme Cityway, Instant systems, Kisio Digital, monkey factory, etc. pour leur fournir un MaaS clé en main autour d'une offre générique complétée d'une partie spécifique.

Pour une petite ou moyenne collectivité, on peut imaginer que son MaaS soit adossé à un MaaS régional ou à des services nationaux ou globaux.

En résumé le MaaS ce n'est pas que de la donnée, c'est aussi du logiciel, c'est quand même utile de le rappeler.

A noter aussi qu'une collectivité qui développe un logiciel est tenue de rendre le code source communicable (loi LRN de 2016). Cela ne veut pas encore dire qu'il s'agit d'un logiciel libre, dans la mesure où il n'y a pas de communauté d'utilisateurs ou de contributeurs, mais c'est une 1ère étape qui implique de se préoccuper du code, avant d'envisager de se référencer sur code.gouv.fr ou d'adhérer à la Fabrique des Mobilités.

des logiciels libres qui contribuent au MaaS, il y en a déjà

Les services de mobilité, ou les MaaS qui agrègent plusieurs services de mobilité, ont des fonctions générales communes, implémentées dans des logiciels qu'on peut appeler des "briques fonctionnelles" et qui fournissent des services via des API, ou des applications.

Parmi ces briques, certaines font l'objet de solutions open source :

1) la recherche d'itinéraires :

sans doute parce que ce problème intéresse les chercheurs, qui assez naturellement développent sous licence libre (et d'autant plus dans le cadre de la science ouverte), c'est par excellence la brique où l'on trouve le plus de solutions open source.On peut citer : OSRM pour le routier, openrouteservice, graphhopper, opentripplanner, valhalla, navitia pour le transport public et le multimodal.

Attention on parle bien de logiciel (moteur) de recherche d'itinéraires, pas forcément de l'application finale ; ces logiciels sont éprouvés et certains sont déployés dans des services opérationnels.

Plus largement, les outils d'étude (modélisation, simulation) , en général, ce sont plutôt des prototypes que des outils couramment utilisés par les praticiens. Le wiki de la FabMob en recense plusieurs, cf. aussi ma sélection.

Egalement, toute la partie aval d'analyse des données issues des MaaS, qui se développe rapidement et qui est sensée être l'un des apports du MaaS (le pilotage par la donnée), s'appuient sur le très grand nombre de briques open source existante dans le monde de la data et de la geodata. En revanche, il n'existe pas encore à notre connaissance d'application ou de brique "analyse de données de mobilité" open source.

2) la production et la gestion de données de référence: 

notamment pour le transport public (autour de GTFS et de Netex) et la voirie (autour d'OSM) ; le logiciel libre est bien adapté car les données de référence font en général l'objet de standards et la conformité aux standards est assez naturellement implémentée dans des logiciels transparents et gratuits, adaptables par la communauté, mais aussi d'autres outils associés (conversion, saisie, visualisation). En outre, les données de transport public et de voirie sont sous la responsabilité des collectivités, et plus largement un grand nombre de données doivent être publiées en open data par les acteurs privés et publics, avec l'accompagnement du PAN National.

3) le compte mobilité standardisé:

ce projet initié par la Fabrique des Mobilités dans le cadre d'un projet CEE coordonné par Cap Gemini, parce qu'il correspond à une fonction à mutualiser qui doit faire l'objet d'une concertation entre les acteurs du MaaS en France, et d'un standard au moins national.

4) services de mobilité

il existe aussi quelques solutions open source pour la gestion d'applications métier d'opérateurs de services de mobilité, on peut penser à mobicoop pour le covoiturage, ou quelques applications métier pour le TC ou la gestion du trafic, c'est important de le mentionner pour mémoire, mais et cela n'est pas directement une préoccupation pour le MaaS qui agrège plusieurs services.

Que peut apporter l'open source?

D'une manière ou d'une autre, on voit que le système d'information MaaS des collectivités peut comprendre en général au moins un ou deux logiciels libres. Et c'est vrai également pour les MaaS privés.Donc ça vaut la peine de s'intéresser à la question du logiciel libre pour le MaaS, tout SI un peu riche comprendra des logiciels de diverses natures sous diverses licences qui doivent fonctionner ensemble.

Quels peuvent être les avantages du logiciel libre?

Tout d'abord, quels avantages en tant qu'utilisateur du logiciel? Les arguments portent surtout sur la maintenabilité et la maîtrise technique (une forme de souveraineté),  sur la communauté existante, avant le prix (qui reste quand même un facteur décisif pour tester un logiciel libre, mais de plus en plus battu en brèche par les nombreux services gratuits en SaaS). A ce niveau, on peut trouver beaucoup d'argumentaires disponibles expliquant pourquoi utiliser des logiciels libres. On trouve assez facilement des arguments pour utiliser du logiciel libre, ou des guides expliquant comment en développer, mais moins de ressources questionnant pourquoi investir sur une application métier open source. Les discours ciblent souvent les DSI ou les devs, ou les éditeurs de logiciel, pas ou beaucoup moins les directions Métier.

La question plus difficile est celle de savoir si (et comment) une collectivité (ou un opérateur MaaS) doit investir dans un logiciel libre répondant à ses besoins métier, y contribuer, le promouvoir, en faire un commun. Les avantages semblent être surtout à moyen terme, au-delà de 5 ans, car les logiciels libres peuvent aider à développer des éco-systèmes et améliorer la pérennité de certaines briques du SI MaaS.

Sur cette question, on trouve beaucoup moins de ressources. Il n'y aura pas une réponse unique, cela mériterait une réflexion collective des acteurs de la mobilité, qui idéalement pourrait associer l'agence de l'innovation des transports, le Cerema, la mission logiciel libre de la Dinum, ITS France, et bien sûr la FabMob.